Publié le 01 septembre 2012 à 05h00 | Mis à jour le 01 septembre 2012 à 05h00
L'esturgeon à l'honneur sur les tables de la Côte-du-Sud
.Sylvie Ruel, collaboration spéciale
Le Soleil
(Québec) Imaginez un poisson au corps trapu en
forme de torpille, recouvert de plaques osseuses et affublé d'un museau allongé
avec lequel il fouille la vase à la recherche de vers, d'algues et de
mollusques... Ce poisson aux allures préhistoriques est le plus grand poisson
qui fréquente les eaux douces du Québec. Il peut mesurer jusqu'à deux mètres et
peser jusqu'à 600 livres. Et il se nomme esturgeon.
«Il est difficile de faire la promotion de l'esturgeon, parce
que c'est un poisson du fleuve, affirme Donald Lachance, qui fait la pêche
commerciale de l'esturgeon depuis plus de 30 ans dans la région de Montmagny. On
vante davantage les poissons d'Asie, tels le tilapia et le pangasius... Et ce
qui le rend moins populaire, ajoute-t-il, c'est qu'il exige une plus longue
cuisson que les autres poissons.»
Et pourtant... Depuis quelque temps, on voit apparaître
l'esturgeon au menu des meilleures tables de la région de Montmagny et l'affreux
poisson a même un petit festival en son honneur, à l'Isle-aux-Grues. Comme la
tendance au Québec est à la mise en valeur des produits régionaux, il était donc
normal qu'un jour l'esturgeon se retrouve dans notre assiette!
L'esturgeon noir est une ressource qui se trouve en abondance
dans le fleuve Saint-Laurent. Ce qui n'a pas toujours été le cas. En 1967, il
est disparu du fleuve en même temps que le bar rayé, à la suite d'interventions
humaines, telles la création des îles d'Expo 67, l'utilisation des
insecticides... Puis il est réapparu au milieu des années 70. Ce poisson
millénaire est anadrome, c'est-à-dire qu'il passe les premières années de sa vie
en eau douce et poursuit sa croissance à un rythme accéléré en eau salée pour
revenir pondre en eau douce. L'esturgeon peut vivre jusqu'à 100 ans.
On le pêche commercialement au printemps et à l'automne dans
l'estuaire du Saint-Laurent, particulièrement dans la zone comprise entre
Berthier-sur-Mer et Saint-Jean-Port-Joli.
«À cet endroit, affirme Donald Lachance, se concentre 60 % de
la population mondiale de l'esturgeon noir, le reste étant pêché sur la côte est
de l'Atlantique. Et on y capture 60 tonnes d'esturgeon par année.»
Une quinzaine de pêcheurs en font aujourd'hui la pêche
commerciale. Donald Lachance est tombé dans la marmite à l'âge de 12 ans, alors
qu'il accompagnait son père sur le fleuve. Dans la famille Lachance, originaire
de l'île au Canot, dans l'archipel de l'Isle-aux-Grues, on est pêcheur de père
en fils, car la pêche était un moyen de subsistance.
M. Lachance vend son esturgeon à des fumoirs et à quelques
auberges de la Côte-du-Sud. Il fume lui-même une partie de ses prises, qu'il
vend à son petit comptoir de Montmagny. Toute la famille met la main à la pâte
pour préparer mousse d'esturgeon fumé et pizza à l'esturgeon fumé, et accueillir
les clients qui viennent en majorité de l'extérieur. Les Chinois, entre autres,
accourent chez lui pour acheter les colonnes vertébrales et les têtes
d'esturgeon, avec lesquelles ils font de la soupe. «Ce poisson semi-gras est
fort en vitamine B12, souligne M. Lachance, et sa chair jaune devient blanche à
la cuisson.»
Variantes à
découvrir
Si les consommateurs connaissent surtout l'esturgeon fumé et
la mousse d'esturgeon fumé, ils seront étonnés de découvrir un poisson apprêté
de nouvelles manières dans la région de Montmagny. Nicole Ferland et Gilles
Tardif, propriétaires de l'Auberge-Restaurant des Maisons du Grand Héron à
l'Isle-aux-Grues, ont décidé de créer un événement autour de l'esturgeon. «Il y
avait une tradition ici à l'île, raconte Gilles Tardif. Dans le passé, l'Auberge
de l'Oie Blanche (aujourd'hui fermée) offrait l'esturgeon au vin blanc, un plat
tout simple, mais qui a conquis les visiteurs qui venaient à l'île. Nous avons
donc décidé de poursuivre la tradition.»
Deux fois par année, au printemps et à l'automne, en même
temps que les saisons de pêche, les aubergistes offrent le F'esturgeon, qui met
en vedette l'esturgeon noir pêché par Donald Lachance.
Sous l'inspiration de la chef Nicole Ferland, secondée de
Julie Jolin, l'esturgeon se décline en casserole d'esturgeon en sauce, pâté en
croûte à l'esturgeon, pâtes sauce rosée à l'esturgeon, paupiette, filet et
brochette marinés et grillés, escalope d'esturgeon à la framboise... et bien sûr
l'esturgeon fumé.
Durant tout le mois de septembre se tiendra cette troisième
présentation du F'esturgeon. «Nous voulons offrir une table relaxe, comme à la
maison», dit Gilles Tardif, qui accueille avec le sourire et avec bonne humeur
les clients qui passent chez lui.
À l'Auberge Restaurant Chez Octave, à Montmagny, le chef
Sébastien Nègre, originaire de Perpignan en France, offre pour sa part un plat
qui fait fureur : l'esturgeon en double cuisson, poché à l'eau d'érable et frit
au parmesan. «En arrivant à Montmagny, je ne connaissais pas l'esturgeon»,
affirme M. Nègre, qui prépare déjà une nouvelle recette pour l'hiver.
L'Auberge des Glacis à L'Islet, qui prône farouchement
l'utilisation des produits de la région, met à son menu une matelote à
l'esturgeon, préparée par le chef Olivier Raffestin. Ce dernier coupe le poisson
en cubes, le fait flamber au calvados et cuire au four dans un court-bouillon au
cidre, et l'accompagne d'une sauce légèrement citronnée.
Il n'y a pas que l'oie blanche qui fait la renommée de cette
région. L'esturgeon est en train de prendre la place qui lui
revient.
1 commentaire:
Bravo à M.Mme Gilles Tardif pour cette belle initiative.
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